dimanche 2 février 2020

LE DÉCLIN DE L'EMPRISE DU CANADIEN ?


«Ma génération
Y'a plus d'histoire à raconter
Que des rêves à inventer
Sans illusion.»

Ma Génération, Luc de Larochellière.


Récemment, un sac sur la tête de la statue de Jean Béliveau près du Centre Bell (photo ci-dessus).  Un signal ?  Un symbole ?  Un ras-le-bol ?  Une manifestation de honte envers la décadence du club de hockey canadien ?

Vingt-sept ans après le dernier défilée de la Coupe Stanley à Montréal, les temps ont changé.  Le Canadien, à force de perdre et de décevoir ses partisans, n'est plus le synonyme d'excellence qu'il était jadis.  Il s'accroche encore à son passé glorieux, mais la jeune génération, qui, par définition, est composée de gens ayant 33 ans et moins, n'a jamais vu cette équipe gagner un championnat.

Certes, la stratégie de marketing du Groupe CH, basée sur la célébration d'anniversaires, comme le centenaire du club, (qui s'est étiré sur quatre ou cinq ans !), les vingt-cinq ans de la conquête d'une Coupe Stanley, ou, comme récemment, l'intronisation d'un ancien capitaine, Guy Carbonneau, au Temple de la Renommée du Hockey, fonctionne toujours, en faisant revivre le faste des années de prestige, même si celui-ci est terni depuis un bon bout de temps.


Le mois dernier, sur les ondes de RDS, l'expert en marketing, Ray Lalonde, qui a travaillé pour le CH pendant une dizaine d'année au début du présent siècle, affirmait que cette recette, consistant à miser sur l'ancienne aura du club pour captiver les partisans, ne marchera pas avec la nouvelle génération.

Selon Lalonde, qui compte plus de 30 ans d'expérience dans son domaine, pour attirer des supporteurs, il faut leur offrir de l'espoir.  L'espoir d'un club compétitif en échange de leur argent, de leur temps et de leur engagement.  Ça coûte très cher d'aller voir (le plus souvent perdre) le Canadien au Centre Bell.  Selon Ray Lalonde, la direction du CH a été, et est toujours, "agressive" en ce qui concerne les prix élevés pour les billets, le stationnement, la bière, les hot dogs et autres marchandises vendues à l'aréna.

Contrairement aux générations plus âgées, le Canadien n'est plus quelque chose de sacré ou de religieux; il n'est pas une source d'angoisse pour les plus jeunes.  Ces derniers, comparés à leurs aînés, n'ont pas autant cet attachement émotif au bleu, blanc, rouge.  Ils ont d'autres intérêts, notamment cette nouvelle passion pour les e-sports (électroniques), les jeux vidéos, ou autres formes de loisir reliées aux nouvelles technologies.


Les jeunes sont plus distants par rapport au Canadien.  Ils ne consomment pas le sport de la même façon que les plus vieux.  Ils peuvent faire plein de choses à part payer le gros prix pour aller voir le CH au Centre Bell.  S'ils aiment le hockey, parmi d'autres sports comme le soccer, le football ou le basket, le CH ne sera pas nécessairement leur club préféré.  N'ayant jamais vu Montréal comme un club champion, ils vont plutôt prendre pour une équipe plus excitante, avec des vedettes formidables.  Par exemple, plusieurs jeunes dans ma famille ont adopté les Pingouins de Pittsburgh, parce que c'est un club champion, avec des joueurs brillants, comme le centre Sydney Crosby.

Depuis Guy Lafleur, dans les lointaines années '70 et '80, le Canadien n'a pas eu ce genre de super star pouvant soulever la foule des partisans tricolores.  Le sac sur la tête de la statue de Jean Béliveau, c'est peut-être ça : si le gros Bill, l'ancienne gloire du club, était toujours vivant, il préférerait plutôt se voiler le visage plutôt que de voir la déchéance dans laquelle a sombré le CH.  Certains partisans ont honte pour lui.

Si, pour la jeune génération, le Canadien n'est pas une priorité absolue, il en va de même pour le Groupe CH, qui, depuis vingt ans, est devenu un conglomérat englobant la propriété du Centre Bell, de restaurants, d'immeubles à condos, d'un promoteur de spectacles et de concerts.  Pour le moment, la clientèle hockey reste captive et elle est encore prête à payer le gros prix pour remplir les caisses des Molson, et assister à un spectacle plutôt terne et plat.


Mais selon Ray Lalonde, l'organisation du Canadien devra en faire plus pour attirer la nouvelle clientèle.  Il parle d'un investissement de 30 millions de dollars pour transformer l'expérience client au goût des plus jeunes.  Un genre de spectacle comme celui qui est offert par les Golden Knights à Las Vegas.  Miser sur le numérique, les effets spéciaux, la théâtralité; projeter une image rafraîchie du club, pour créer un nouveau genre de divertissement, mieux adapté aux jeunes.  

Le temps où les as du marketing du Canadien pouvaient réussir à «vendre» un club perdant aux partisans de la Sainte Flanelle sera peut-être révolu bientôt.  Faute de voir de vrais changements capter leur intérêt, leur argent et leur temps, les jeunes de la dernière génération pourraient venir à se lasser du Canadien de Montréal et d'une direction qui les prend pour acquis ou pour de vulgaires avaleurs de couleuvres...comme leurs aînés !

Les promesses de jours meilleurs (toujours non tenues), et la présentation de beaux mirages, ne suffiront plus à leurrer des jeunes qui ont mieux à faire que de dépenser une fortune pour un produit dont la qualité laisse tellement à désirer...